Le murmure des absents

Qui sommes-nous ?

Et si nous profitions de ces conditions de confinement pour nous interroger à propos de ce qui nous manque !
Bien sûr, le sentiment d’être mis à l’arrêt, peut être devrais-je dire aux arrêts, est très frustrant. L’on a envie de crier « je veux ma liberté » mais au fond, ce qui nous manque le plus, c’est de pouvoir se projeter dans un autre soi, un « je » qui progresse et la condition à ce dépassement de soi, c’est les autres. La conscience ne peut pas penser son changement. Elle n’est que ce qu’elle contient et si elle pouvait se penser changer, cela signifierait qu’elle est déjà cela. Elle ne peut pas être autre pour elle-même et son évolution ne peut se faire que dans l’autre.
Quelle ironie du sort. Par crainte de manquer de l’oxygène dont le corps a besoin, nous voici privés de l’oxygène de la conscience, l’altérité. L’altérité, cette essence universelle, qui réside dans autrui et qui nous régénère. Elle nous permet de grandir intérieurement. Elle démontre notre être. Tout ce qui n’est pas soi est elle. Tout ce qui n’est pas elle est soi. C’est en elle que nous pouvons trouver l’espace pour nous développer. Plus que « et ma liberté » c’est « je veux continuer à grandir et faire grandir ce monde » qui vient quand j’arpente nos champs de fleurs, quand je contemple ces merveilles qui n’ont peur de rien.
Oui, heureusement, au dojo, Kobayashi sensei veille, Inari veille, nos chers disparus veillent et la beauté des lieux semble infinie. Votre absence résonne très fort mais tout ce qui vit là égraine vos noms et vous appelle. Je songe à la prochaine fois, j’entends déjà le bruit des pas, les souffles raccourcis par l’effort et le vent des sabres.

Je prépare, un ken à la main, nos futures rencontres. Je pense que je dois reprendre l’enseignement du ken avec quatre attaquants. Ce n’est pas difficile. Si vous connaissez les quarante formes avec deux attaquants et appliquez les règles tactiques scrupuleusement, il suffit d’en associer deux. Attention au placement. Rappelez-vous. Par le centre, loin devant à droite ou à gauche, pas de demi-mesure. Ne revenez jamais en arrière.
Il faut prendre une porte et neutraliser les deux gardiens par un seul geste. Après, prenez le temps de voir si ceux qui sont dans votre dos réattaquent men ou tsuki. Mais, les yoko ichi monji peuvent en couper un et projeter l’autre en arrière, alors un beau kiri age ou bien un autre yoko ichi monji en sens opposé. Quel plaisir !

Vous êtes là, tous là et l’intensité y est. Entrainez-vous à représenter vraiment vos attaquants, et s’ils sont un, imaginez qu’ils sont au moins deux, et s’ils sont deux, imaginez quatre et s’ils sont quatre, imaginez mille.

Dans un tout petit appartement, avec un grand sabre, utilisez votre ki pour pousser les murs,
Faites une immense ouverture, frayez-vous un chemin vers les autres avec toute la puissance de votre conscience.

Mon chien me regarde avec étonnement mais, m’ayant vu m’incliner devant la statue de Kobayashi sensei, chaque fois qu’il passe devant, il s’arrête et reste longtemps à le regarder, tendant son museau vers lui. Cela ne me surprend qu’à moitié puisqu’il a déjà l’habitude de grimper les marches du temple d’Inari. La conscience est partout quand on la partage.
En travaillant chacun dans notre petit espace, nous créons une conscience partagée et redonnons à l’autre toute sa place dans notre vie.

Cognard Hanshi

 

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