Lettre de Cognard Hanshi – Rentrée 2020

Chers Professeurs, chers élèves,

J’espère que vous avez passé un bon été. La reprise des cours dans les conditions actuelles n’est pas simple mais, nous sommes budoka donc habitués à faire face aux difficultés.
Cette lettre concerne principalement les enseignants mais elle est adressée à tous car c’est à tous qu’il appartient de s’assurer de la santé et du bien-être des autres.

C’est un défi, que nous acceptons, que de continuer l’enseignement en nous assurant de ne pas transmettre ce désormais trop fameux virus, sans cesser de transmettre les valeurs de l’aiki.
Il nous appartient de ne pas céder à la panique générale tout en observant et en faisant observer des procédures d’hygiène qui nous permettront de faire passer ces valeurs et de barrer la route à tout ce qui peut nuire à la santé de nos élèves.
Nous avons publié sur le site aikido.fr un protocole que vous pouvez présenter aux institutions qui en feront la demande.

Je vous recommande en outre de privilégier le travail des armes qui présente l’avantage de ne pas occasionner de contact physique entre les pratiquants.
Les cursus d’aikiken et d’aikijo sont tellement importants que nous avons là une matière suffisante pour plusieurs décennies d’enseignement.
Vous pouvez aussi développer l’aikishintaiso. C’est en quelque sorte un « yoga martial », un aikido à pratiquer seul. Il permet de garantir une distance bien réelle entre les pratiquants.
Même si vous n’êtes pas un spécialiste, en tant que professeur d’aikido vous avez tous la compétence minimum que procure la connaissance du kihon d’aikishintaiso que vous enseignez en début de cours. Si vous en avez besoin, sollicitez notre secrétariat pour qu’il vous soit envoyé des programmes de cours écrits que vous pourrez dispenser.
Tenez-nous au courant des difficultés que vous pourriez rencontrer.

Je ne doute pas de ce que vous avez depuis longtemps adopté les salutations à la japonaise.
Si ce n’était pas le cas, il faudrait le faire tout de suite.
Le salut japonais exprime le respect par l’inclinaison du corps mais aussi par la distance qu’il établit.
Si vous avez des enfants en cours, prenez bien le temps de leur expliquer ce qu’il convient de faire et d’éviter. Soyez encore plus attentifs que d’habitude à leurs comportements pendant le cours.
Prenez aussi le temps de rassurer les parents qui peuvent à juste titre demander des précisions à propos des mesures observées.

Nous pouvons nous lamenter à propos de cette épidémie mais nous pouvons aussi considérer que ce sont nos conditions de pratiques actuelles. En effet, étant donné que nous ne pouvons pas enrayer cette épidémie par notre seule volonté, nous sommes obligés d’en accepter l’augure. Considérons-la comme un adversaire et appliquons les règles aiki. L’adversaire n’est pas celui qui m’attaque mais ce qui fait qu’il m’attaque. Cherchons à comprendre pourquoi l’humanité est confrontée à une telle épreuve. Voyons ce que cela nous impose de modifier dans nos comportements et faisons en sorte que cette distance physique suscite en nous un désir de nous rapprocher intérieurement et nous permette de prendre conscience de l’importance de l’autre dans nos vies.
Depuis bien longtemps, j’attire votre attention sur l’excès de familiarité en usage dans notre société, l’absence de différence entre les générations, l’usage d’un langage dans lequel le je et le nous disparaissent au profit de l’indifférencié « on ». Même si nous ne pouvons en aucun cas nous réjouir de cette crise, essayons d’y voir ce qui est bon dans ce qu’elle nous impose.
Ajoutons qu’il n’est plus question de faire le déni de notre finitude et des limites de notre puissance. Peut-être trouverons-nous là de quoi revaloriser le vrai sujet en nous et en autrui en considérant que nous sommes d’autant plus précieux les uns pour les autres que nous sommes éphémères.
Cette crise nous engage à mettre les mots « éthique » et « responsabilité » au cœur de notre réflexion au moment de reprendre le chemin du dojo et nous invite à appliquer cette règle de l’aikido « faire passer l’autre avant soi » en prenant bien soin de lui.

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