Lauréat du concours de diatribes !

Chers adhérents et sympathisants,
Chers lecteurs ou auteurs,

Le jury vient de se réunir et de délibérer.

Les membres du jury tiennent tout d’abord à féliciter tous les participants pour leur engagement, et, ensuite, à dire combien la grande diversité des textes envoyés, ainsi que la créativité argumentative et poétique des auteurs, les ont réjouis. Le Corona a bien mis le « je » dans l’arène !

Les textes des membres du jury, ainsi que celui de Cognard Hanshi, n’étant pas éligibles, le jury a examiné la quarantaine de textes reçus et a le plaisir de vous annoncer que le lauréat du Prix est….

Patrick Bourret, pour son texte intitulé La mort en Vert.

Ce texte sera à nouveau publié et Patrick Bourret pourra participer gratuitement au stage ouvert d’aikido ou d’aikishintaiso de son choix, lors de la saison 2020/2021. Toutes nos félicitations cher Patrick !

Oui, « nous mourrons », et « les yeux grands ouverts » !

Les membres du jury.


Patrick Bourret – La mort en Vert

16 juin 2020

Qu’elle est belle notre France verte… toute verte. J’ai cru un instant que le président faisait de la propagande pour un parti écologiste. Non, ce n’était pas cela. En parallèle, j’ai vu mon professeur de géographie de sixième se morfondre devant une carte quasi-monochrome que je lui proposais :

« Mais si la carte n’apporte rien, il ne faut pas la faire ! Tu comprends que c’est complètement ridicule, celui qui regarde ça, il croit que tu te moques de lui ! ». J’acquiesçais maladroitement.

Pendant le confinement, j’ai aussi dû m’autoriser à sortir à l’aide d’un document officiel contenant les armoiries de la République Démocratique de France que j’imprimais à la place de l’imprimerie nationale. Pour ce faire, j’ai utilisé ce magistral instrument de la liberté : la case à cocher. Tout va bien, nous avons lutté contre l’ennemi grâce à ce miracle de la technologie qui a surtout été créé pour pouvoir faire des comptes en statistiques étant donné notre incapacité de l’époque à faire lire correctement des ordinateurs et qui devient notre outil principal de communication alors que les ordinateurs ont largement appris à lire.

La mort prendrait-elle la liberté de ne pas rentrer dans les cases ? On compte, on étudie, on parle. La science n’est pas un outil de l’immédiat et les propos scientifiquement fiables que les médias pourront nous transmettre auront lieu quand tout sera fini, depuis longtemps. Nous pourrons juste espérer qu’ils soient utiles… plus tard. Pour l’heure, il est surtout utile de ne rien croire car aussi scientifique que cela paraisse, c’est simplement l’effet de luttes d’influence et de spéculation !

Ainsi, nous serions mortels. Je me réjouis de savoir qu’à l’aide d’anti-virus qu’il ne reste plus qu’à inventer, d’antibiotiques dont on a déjà fait le tour, et de vaccins encore plus prometteurs, nous allons gagner la grande guerre : celle qui éliminera tous les virus et tous les microbes, bref tous les autres et… à coup sûr nous-mêmes, qui en sommes largement composés.

Les plus grands fléaux sont en fait surtout les conséquences du manque d’hygiène associé aux « faits aggravants » que sont la famine et le non accès à l’eau potable. Ceci est vrai y compris dans les pays civilisés (civilisé signifiant ici et comme presque toujours avoir un gros PIB), la malbouffe est une forme de famine le ventre plein, le stress récurrent une forme de manque d’hygiène et j’ai ouïe-dire que les produits phyto-sanitaires et l’eau de javel n’étaient pas très potables).

Ne serait-il pas possible de commencer par se donner les moyens d’être en bonne santé et de le rester tant sur le plan physique (le seul que j’évoque ici en partie) que sur les autres ?

Dans ce monde à construire, nous allons quand même mourir, ne nous inquiétons pas. Probablement à l’aide d’un virus ou d’autre chose et avec un certain âge. C’est-à-dire normalement comme le fruit trop mûr qui se détache délicatement de l’arbre lorsqu’il devient blet (métaphore prise à Montesquieu). Nous mourrons peut-être jeunes, emportés par la fougue ou autre. Toutefois, la liberté de chacun ne doit pas être brisée par le mythe de l’immortalité de tous, qui nous enferme dans un mortel cocon.

Juste avant le confinement, je parlais avec un homme de grand âge, je devrais plutôt dire avec un grand homme ayant un âge (celui de raison et bien plus…). Il me disait, « vous savez c’est aux plus vieux de partir, en ce moment je vois partir des jeunes, c’est un crève-cœur de voir les jeunes partir ». À ma réponse maladroite et conventionnelle il répondit : « Mais j’espère bien vivre ! Ah ça oui ! Mais la vie c’est comme cela et il faut le savoir ».

Merci les vieux pour votre lumière mais j’espère quand même et sans parjure que vous mourrez avant moi, j’ai besoin de ça pour apprendre encore à mourir en vrai vieux : les yeux grands ouverts.

Patrick Bourret

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