Discours d’inauguration du Sakura Parc de Clermont-Ferrand par Cognard Hanshi

Ume - Inauguration du Sakura ParcVos présences nous honorent et nous emplissent de joie. Au nom du France Shibu, je vous remercie du fond du cœur.
J’aimerais vous parler de ce lieu, de sa conception et de sa signification, mais, avant cela, permettez-moi de m’adresser à Monsieur le Maire, Olivier Bianchi.
Monsieur, je tiens à vous remercier tout personnellement et à vous exprimer mon admiration pour votre détermination. Vous avez compris tout de suite l’importance du message qui s’exprime à présent dans ce lieu et vous n’avez pas hésité à unir votre voix à la nôtre pour appeler à la paix dans le langage du symbole.

Vraiment, merci !

Je veux aussi m’adresser à Monsieur Jean-Yves Foucault qui a fait don des pierres qui sont alignées derrière ce que l’usage désigne déjà sous le vocable de «
menhir ». Monsieur Foucault, au nom de la Dai Nippon Butoku Kai France Shibu, je vous remercie infiniment.

De tout temps, les hommes ont dressé des pierres pour délivrer des messages et probablement signifier leurs aspirations à l’élévation spirituelle. Notre monde en est jalonné, et même si beaucoup de sites gardent leur mystère, toutes ces élévations contribuent ensemble à l’élaboration d’un langage universel, une sorte de « dire fondamentalement humain » par-delà les cultures. Ici, dans ce parc pour la paix, à Clermont-Ferrand, nous avons voulu tenter de matérialiser un espoir et, pour y parvenir, nous avons essayé de nous exprimer en choisissant le symbole plus que les mots. D’aucuns penseront qu’il n’est donc pas opportun d’en parler à présent, mais je tiens malgré tout à éclairer notre démarche.
Considérez l’ensemble constitué par les cerisiers japonais de type Yoshino entourés de diverses autres espèces et le monument de pierre !
La seule présence des Yoshino aurait fait référence à la culture japonaise, mais le mélange des espèces évoque le mariage des cultures, la manière dont le Japon et la France dialoguent.

Nous aurions pu créer un monument de pierre suivant les règles du jardin zen ou dresser un menhir, imitant ainsi les hommes de Carnac, mais nous avons choisi l’évocation des deux pour dire que ce qui importe aujourd’hui pour unir les hommes dans un même désir de paix, c’est de faire vivre ensemble toutes les cultures.

Nous avons choisi des pierres différentes : la lave des volcans d’Auvergne, le basalte de ses prairies et le marbre de carrare pour dire qu’il n’y a pas de risque
d’hybridation. Un cerisier de Yoshino ne changera pas de nature parce qu’il est planté près d’un frêne. Il s’agit bien de faire se côtoyer leurs beautés pour qu’elles s’enrichissent réciproquement.
Les fleurs de cerisiers si éphémères expriment le charme de la jeunesse, l’éclat d’une chose pure.
Le sculpteur, François Desforges, dont vous pourrez admirer le travail, a figé leur éclat dans le carrare et enserré leur évanescence dans la lave.

Quand les cerisiers fleuriront au printemps, la population de Clermont-Ferrand viendra pique-niquer sur cette place, suivant la tradition japonaise du hanami, mais quand viendront les rigueurs de l’hiver au-vergnat, les sakura de carrare rappelleront au passant notre espoir et nos vœux de paix éternelle.

Dans tous les messages, et quels que soient le langage ou les cultures, il y a toujours le risque de l’arrogance. Alors, nous avons voulu disposer maladroitement
les pierres de basalte à l’abri du menhir pour dire que, quelle que soit la grandeur de nos idéaux, nous voulons en parler humblement.
Ainsi, alignées sans art, elles peuvent vous sembler insignifiantes. Mais entendez bien : L’idéal, contrairement à l’idéologie, fait appel à ce qu’il y a de
meilleur en l’humain. Tout être vivant aspire légitimement au bonheur. Les humbles ressentent intimement que c’est l’alchimie de la paix et de la liberté qui constitue l’essence de celui-ci. Et ils aspirent à la paix pour le bien de leurs enfants et de leurs proches.

Cependant, il faut que ce soit les puissants qui décident que la paix est préférable et doit prévaloir entre nous tous. Ce message s’adresse donc à ceux qui
ont le pouvoir de décider afin qu’ils fassent tout pour choisir la voie pacifique, la voie sans violence que suivent aujourd’hui tous les budo, c’est-à-dire tous les
arts martiaux authentiques.
Je vais pour conclure vous révéler le secret de cette implantation. Nous savons, nous humains, que nous ne sommes jamais définitivement à l’abri du malheur et de la souffrance. Dans la tradition de l’Asie, la direction du nord, celle où le soleil ne va jamais, est souvent considérée comme maléfique. Alors, les trois pierres de basaltes, alignées vers la porte du nord, canalisent cette énergie, la mettent à la terre et le menhir la purifie.
Ainsi, nous espérons que cet ensemble, arbres et pierres investis de la puissance de vos esprits réunis aujourd’hui, remplira le rôle que nous avons voulu lui donner, au-delà du simple message pour le passant, celui d’être un lieu d’invocation apotropéenne.
Tous les gestes que nous ferons à présent pour inaugurer ce lieu diront notre espoir que la paix prévale dans le monde. Quand les cerisiers de Yoshino auront fleuri maintes et maintes fois et que plus aucun de nous ne sera là pour le dire en personne, augurons que nos descendants sauront le lire dans ce monument, et ajouteront leurs voix aux nôtres.
Ils comprendront ainsi combien nous les avons aimés avant de les connaître.
Je vous remercie.

André Cognard

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